XXVIIIème CHAMPIONNAT DU MONDE D'ÉCHECS - REYKJAVIK 1972



Le jeu d'échecs, Roi des jeux et jeu des Rois,

Dans son histoire pour la première fois,

Initiés et amateurs a mis en émoi.

Lequel des deux champions imposera sa loi ?


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LES PROTAGONISTES


Le tenant du titre, le Champion du Monde 1969,

Boris Spassky

né le 30 janvier 1937, 3h00, Leningrad (59N55 30E25)

(Source Scarabelli, selon Boris Spassky, lui-même)

Domification : Campanus







Boris Spassky, 35 ans                 Robert Fischer, 29 ans




Le challenger, le Grand Maître International

Robert James Fischer dit, Bobby Fischer

né le 9 mars 1943, 14h39, Chicago (41N51 87W39)

(Source : base de données du CÉDRA)

Domification : Campanus






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LE CONTEXTE



Pour la première fois dans l'histoire du jeu d'échecs, la couronne mondiale est disputée entre un soviétique, Boris Spassky, et un américain, Robert Fischer. Nul doute que les enjeux dépassent largement le simple face à face de deux joueurs qui s'affrontent pour le titre. Hautement symbolique, ce match se déroule en pleine rivalité est/ouest, dans un contexte politique où les deux hommes seront les porte-étendards de leur propre système idéologique sur l'échiquier : le capitalisme vient disputer la suprématie échiquéenne totalitaire et incontestée du bloc communiste.


On ne peut pas envisager autrement le climat de cette rencontre décisive sur le plan du symbole. Le jeu d'échecs est une véritable institution en Russie. Plus que le sport national, cette discipline est enseignée à l'école et constitue l'un des fleurons de l'éducation, au même titre que le piano.


Fischer, une vie d’échecs


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DES RÉVOLUTIONS SOLAIRES ÉLOQUENTES




35 ans de Boris Spassky, 30 janvier 1972, 14h54 (11h54 TU), Leningrad (59N55 30E25)

Domification : Campanus


L’AS Crabe de la RS en maison VIII natale, gouverné par la Lune éclipsée, et la Fortune en maison VII (l’adversaire) située au carré de Mars gouverneur du radix, semblent constituer deux obstacles majeurs vers le succès, dans cette révolution solaire.




29 ans de Robert Fischer, 9 mars 1972, 14h09 (20h09 TU), Chicago (41N51 87W39)

Domification : Campanus


Le retour des angles ; la Lune en maison V, celle du jeu, et trigone au MC ; Mars almuten de X en X au sextil du Soleil et gouverneur du ciel ; la Fortune en maison X... sont des atouts indiscutables pour envisager le triomphe !


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UNE CONSTITUTION UNIVERSELLE DÉCISIVE



Curieuse coïncidence du calendrier, une éclipse totale de Soleil a lieu la veille du match, qui pourrait à elle seule justifier l'issue de ce combat de titans. Échec et mat, le Roi va t-il mourir et Spassky faillir ?




Éclipse totale du Soleil, 10 juillet 1972, 19h39, Reykjavik (Islande, 64N09 21W58)

Domification : Campanus



Éclipse totale du Soleil, 10 juillet 1972, 19h39, Reykjavik (Islande, 64N09 21W58)

Domification : Placidus



Dans cette constitution universelle, que l’on peut tout aussi bien étudier en domification égale (maisons zodiacales, égales MC milieu X, égales AS milieu I) pour éviter les “cuspides baladeuses” par la haute latitude 64N09, si l'on admet que l'AS représente le tenant du titre Boris Spassky, et le DS le challenger Robert Fischer, les dés sont jetés. Pourtant, Neptune naissant à l'horizon "du côté de l'est", laisse présager un épisode étrange, bizarre, indescriptible... Sa conjonction "exactissime" à l'AS Sagittaire nous interpelle dans une dimension où le surnaturel, une théophanie miraculeuse ou toute autre facétie neptunienne interviendrait... Quelque chose d'inattendu, mais pas à la façon d'un Uranus, doit se produire. Un "coup de poker", un bluff, une mystification est possible. Mais comment cela est-il possible ? Dans un univers où tout se calcule, où le meilleur gagne, sans sentiments, où tout est mathématiquement vérifié ?


Le jeu d'échecs a un point commun avec l'astrologie : tenter de prévoir l'avenir. Bien sûr ! Car le Grand Maître n'a t-il pas cette faculté, non pas parapsychologique mais typiquement à la mesure d'un Saturne froid et calculateur, de voir plusieurs coups à l'avance et d'anticiper ce qui va probablement se produire, ce que son adversaire imagine et n'aura pas ou mal envisagé ? Mais un coup sera joué, décisif, qui mettra l'un des deux joueurs KO d'entrée de jeu. Car l'imprévisible Neptune va se manifester. Et dans imprévisible résonne le mot "invisible"...


Celui des deux compétiteurs qui semble le plus affecté de la disparition du Soleil, considérant simplement cette éclipse, est bien sûr le Roi du jeu, l'actuel champion du monde Boris Spassky. Car le Dragon afflige le Soleil, ce qui est pire quand le maléfice vient de la Queue, plutôt que par la Tête. Le Roi perd la sienne, sa couronne avec. Pourtant, Robert Fischer voit cette Nouvelle Lune se produire dans sa maison XII natale, celle des enfermements. Peut-on y voir déjà le signe de ses futurs errements, de sa paranoïa, de sa folie ?


On sait ce qu'il deviendra, à demi clochard disent les uns, alcoolique millionnaire disent les autres, ayant fréquenté des sectes ou encore ayant parcouru le désert du Nevada à pieds... Une chose est sûre : ce génie qui disait consacrer 98% de sa vie au jeu d'échecs, a disparu de la circulation pendant des années sans laisser de traces (tiens, tiens...) et est devenu un mythe vivant.


L'enjeu est tel que les deux hommes, quel que soit le dénouement de ces semaines de combat, n'en sortiront pas indemnes, ni le vainqueur, ni le vaincu... Le jeu d'échecs est un sport violent, en tout cas il est ainsi considéré par la médecine (dans le sens d'une grande dépense d'énergie en un temps très court). De telles forces vont être déployées, une telle pression psychologique ressentie, que les deux joueurs réaliseront une prouesse.


Pour revenir à cette carte du ciel, Jupiter, gouverneur et almuten de l'AS, est en bien piètre état céleste : en chute en Capricorne, de mouvement rétrograde, il ne reçoit le soutien que d'un biquintil de Mars, son maître par exaltation et régent de la maison XII... Autant dire qu'il est seul ! Spassky est sur un trône éjectable ! S'il perdait le titre, il serait déchu de sa position, sa vie deviendrait invivable en URSS. Il risquerait de devoir s’expatrier et de vivre en exil. Un sens à donner à cette éclipse logée en sa maison IX natale, un voyage un tantinet contraint... Sa seule consolation résiderait dans la position de ce Jupiter en maison II, réalisant un gain financier substantiel. Car Fischer n'a pas hésité à faire monter les enchères : le match est doté de 250.000 dollars.


Ce Jupiter se trouve dans le domicile nocturne de Saturne, la triplicité et le terme chaldéen de Vénus : ces deux-là qui justement se trouvent conjoints en maison VII, celle qui représente l'adversaire de Spassky !


Mercure, gouverneur et almuten du DS, en sextil "exactissime" à Saturne avec qui il est en réception réciproque (échange du domicile et du terme chaldéen), se trouve par contre en excellente position, quand on sait l’importance de ce degré dans le ciel du challenger. Robert Fischer apparaît donc comme un vraisemblable futur champion du monde !


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PREMIÈRE PARTIE DU CHAMPIONNAT

disputé en 24 parties du 11 juillet au 3 septembre 1972






11 juillet 1972, 17h00, Reykjavik (Islande, 64N09 21W58)

(Source de l’heure du match : archives INA)

Ci-dessus en domification Campanus






Ce même ciel, selon les axes du monde, dans une juste représentation cosmographique :

AScendant, Zénith, DeScendant, Nadir - ORient, Medium Coeli, OCcident, Imum Coeli, Levant, Couchant, d'après l'ouvrage d'Yves Christiaen :

"L'Ascendant seul n'est pas l'Horoscope" (Éditions Cédra)


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Le thème de cette première partie est également celui du coup d’envoi, par lequel l’observateur doit pouvoir se faire une idée de l’évolution du combat. Cette première partie sera remportée par Boris Spassky. Après le sacrifice d’un fou contre deux pions, échange pour le moins douteux et spéculatif, le challenger Bobby Fischer s’inclinera.


Dans ce ciel, Mars représente Boris Spassky, le tenant du titre, comme almuten de l’AS Scorpion. La Lune, traversant sa maison VIII, appliquera au carré d’Uranus (une mauvaise surprise l’attend bientôt...), puis à l’opposition du Soleil, et enfin au carré du gouverneur et almuten de son radix, Mars. Les événements stellaires vont le desservir à court terme, jusqu’à l’effondrement. Aucun autre aspect ne se produira avant que la Lune ne quitte le Lion.


Robert Fischer est symbolisé par la Lune, almuten du DS Taureau. Cette Lune transitant son AS au jour du coup d’envoi sera la clef de sa victoire. Ceci doit être gardé en mémoire et constitue un principe en matière d’astrologie élective : lorsque vous souhaitez “prendre l’ascendant” sur votre adversaire, choisissez, lorsque vous le pouvez, la Lune dans votre signe ascendant. Vous profiterez ainsi des vertus qu’elle régit : succès, popularité, argent, imagination, maîtrise du mouvement et capacité au changement et à déstabiliser, intuition, et cetera. Quelle chance pour Fischer de jouir d’un transit aussi favorable, dans le signe du triomphe !  La Lune, traversant sa maison I, se sépare de sa conjonction à l’AS, de son opposition à Mars, de son sextil à Uranus et de son sextil à Neptune. Voilà qui confirme l’énorme médiatisation de cette rencontre, et ses complications. Elle applique ensuite au carré de la Lune, marquant ses débuts fantasques, (puis épouse Pluton), se dirige vers le sextil de Saturne, et enfin fait trigone au MC et à Vénus. Les événements vont servir son irrésistible ascension vers la couronne mondiale. La surprise est venue de lui...


Le 13 juillet 1972 débute la deuxième partie, sous les configurations astrales suivantes :


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DEUXIÈME PARTIE DU CHAMPIONNAT




13 juillet 1972, 17h00, Reykjavik (Islande, 64N09 21W58)

Domification Campanus


(Je suppose, par mon expérience des compétitions en tant que joueur et organisateur, que l’heure du second match est restée inchangée, à 17h00. Mais ce “détail” ne nuira pas à notre propos.)


Trois particularités attirent notre attention : l’AS est exactement conjoint à celui du radix de Boris Spassky. Voilà un jour important pour lui. Il possède un point d’avance sur son adversaire, et les parties nulles (au sens où aucun des joueurs ne gagne une partie) sont comptabilisées dans le total des 24 parties à disputer. Or, Mars est sans aspect aux autres planètes. Il est seul et voit Mercure, maître du MC, s’éloigner de sa conjonction. Sa destinée lui échappe. De même, la position du Soleil est “férale” : l’astre n’est relié à aucune autre planète, subissant le maléfice de la Queue du Dragon. Le Roi est seul. Et il perd la tête. Car Robert Fischer ne se présentera pas à la table de jeu. Après avoir sacrifié un fou dans la première partie, il sacrifiera son roi, sans jouer, dans cette seconde partie. Autant dire que le match, sur l’échiquier, est perdu. On ne revient pas au score, face à un champion du monde. Sauf si la guerre sur l’échiquier devient une guerre des nerfs...


Le 16 juillet 1972 débute la troisième partie, dans le climat suivant :


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TROISIÈME PARTIE DU CHAMPIONNAT




16 juillet 1972, 17h00, Reykjavik (Islande, 64N09 21W58)

Domification Campanus


Le thème de Boris Spassky est à nouveau en forte dissonance avec le ciel de cette nouvelle partie. L’AS réveille Jupiter natal par sextil, maître de la maison II en chute. Et Vénus, gouvernant la maison XII natale, vient chatouiller l’opposition Lune Saturne.


Robert Fisher aura conduit une guerre psychologique totale, à laquelle son adversaire n’a pas pu résister. Dans sa gentillesse, et sa faiblesse, le champion du monde accepta la facétie de l’américain : jouer à huis clos dans une salle vide de spectateurs, de photographes et de caméras de télévisions ! Dès lors, la combativité du russe fut complètement émoussée et, perdant cette troisième partie, alors qu’il jouait avec les blancs (ce qui constitue un léger avantage, celui de commencer la partie, donc d’imposer son jeu), le championnat basculait en faveur du challenger.


La quatrième partie se solda par une partie nulle le 18 juillet. Puis Fischer gagna la cinquième, à nouveau avec les pièces noires, le 20 juillet, égalisant au score. Le gain de la sixième partie, le 23 juillet, lui permit de prendre l’avantage et de gérer facilement son avance. Voici le ciel de cette journée :


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SIXIÈME PARTIE DU CHAMPIONNAT



23 juillet 1972, 17h00, Reykjavik (Islande, 64N09 21W58)

Domification Campanus


Le Soleil vient d’entrer en Lion, aspecté par la conjonction Jupiter Lune dans le signe solsticial du  Capricorne. En changeant de signe, la couronne change de tête. Et la lumière quitte l’URSS pour les USA. Mars, gouverneur du ciel du coup d’envoi du championnat, tout comme il régit la carte de chaque match jusqu’au 15 août, est au trigone du MC de Fischer, en ce 23 juillet.


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VINGT-ET-UNIÈME PARTIE DU CHAMPIONNAT




31 août 1972, 17h00, Reykjavik (Islande, 64N09 21W58)

Domification Campanus


Ce 31 août, Fischer compte 3 points d’avance (il mène 6-3, sans compter les 11 parties nulles). Pour conserver sa couronne Spassky doit impérativement remporter les quatre dernières parties. C’est finalement Fischer qui s’imposera avec les noirs, au terme d’une dernière défense sicilienne. Spassky abandonne le championnat, qui se termine par cette 21ème partie, sur le score de 7-3, Saturne étant arrivé au carré de sa position natale et au carré de la Lune. La seconde partie, décisive au plan psychologique, ayant été “offerte”, Spassky n’aura battu Fischer qu’à deux reprises, dans ce championnat. En jouant l’homme invisible, Robert Fischer a totalement déstabilisé son adversaire. Il devient le 11ème Champion du Monde des Échecs. La légende est née.


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EPILOGUE


Spassky s’exilera en France, ou une nouvelle carrière à la tête de l’équipe de France lui permettra d’élever le niveau de jeu des français. C’est en 1987 que j’ai eu l’honneur et la joie de le rencontrer chez lui, dans le cadre de l’organisation d’un tournoi de parties semi-rapides. C’est à cette occasion qu’il m’a indiqué à quelle heure il était né. Et autour d’un whisky, et non pas d’une vodka, il m’a fait vivre cette incroyable rencontre humaine.


Fischer ne défendra pas son titre, trois ans plus tard, contre Anatoli Karpov. Il restera donc invaincu, n’ayant perdu que 32 parties sur 854 jouées dans toute sa carrière. Après avoir consacré 98% de sa vie au jeu d’échecs (dixit), il deviendra le marginal au QI supérieur à 180 ; sera ruiné par une secte ; tiendra des propos jugés antisémites ; se réjouira des attentats du 11 septembre 2001 dans un “Fuck the USA” ; sera arrêté et incarcéré en 2004 pour avoir outrepassé l’embargo américain contre la Yougoslavie, en 1992, lors de son “match revanche” à Belgrade contre Spassky, où il empocha 3,35 millions de dollars... Il est mort à 64 ans, jeudi 17 janvier 2008, d’une insuffisance rénale en Islande, sa nouvelle patrie. Quel meilleur âge pour mourir quand on a passé sa vie sur 64 cases ?


Comme Bruno Ganz, incarnant un champion d’échecs dans le film “L'échiquier de la passion”, défiant Dieu dans la cellule d’un hôpital psychiatrique, en lui donnant les blancs et en lui offrant un pion, Bobby Fischer restera dans les mémoires comme le joueur le plus follement génial de l’histoire du roi des jeux.


Cette étude a pour seul mérite de recentrer le drame d’une rencontre entre deux compétiteurs, incarnant chacun son idéal et investi de tout un mode de pensée idéologique, sur le théâtre de leur destinée. Je la dédie à Bobby et à mon ami Bob. ;-)


“Les échecs, c’est comme la vie.” Boris Spassky

“Les échecs, c’est la vie.” Bobby Fischer


Scarabelli, lundi 21 janvier 2008, Soleil Verseau


À lire également : www.scarabelli.org/Fischer,_une_vie_dEchecs.html

 

Jeu d'échecs : Spassky - Fischer

Scarabelli


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